Mesure d'expertise : les informations ne peuvent pas concerner les opérations de gestion

La demande d'expertise ne peut être utilisée pour obtenir des informations sur des opérations de gestion courante au sein d'une société. 

Le cadre juridique de l'expertise judiciaire

L'article 145 du Code de procédure civile permet de demander une expertise judiciaire lorsqu'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige. Cependant, cette mesure d'instruction ne doit pas être utilisée pour combler un manque d'information sur la gestion interne d'une société. Les mesures d'instruction doivent viser à établir ou conserver une preuve pour un litige futur clairement défini.

L'affaire Esso : un cas concret

Dans l'affaire Esso, des actionnaires minoritaires avaient exprimé des doutes quant à la transparence de certaines transactions entre Esso et son actionnaire majoritaire, Exxon Mobil Corporation. Ils ont demandé une expertise judiciaire pour examiner ces transactions, invoquant l'article 145 du Code de procédure civile. La Cour d'appel de Versailles avait initialement fait droit à leur demande, mais la Cour de cassation a annulé cette décision, estimant que la demande visait uniquement à obtenir des informations de gestion, ce qui n'est pas l'objectif d'une mesure d'instruction.

Le mécanisme prévu par l'article L. 225-231 du Code de commerce

Pour obtenir des informations sur les opérations de gestion, les actionnaires doivent se tourner vers le mécanisme prévu à l'article L. 225-231 du Code de commerce. Cet article permet aux associations ou actionnaires détenant au moins 5% du capital social de poser des questions sur les opérations de gestion au président du conseil d'administration ou au directoire. En cas d'absence de réponse satisfaisante, ils peuvent demander en référé la désignation d'experts pour enquêter.
 
En résumé, la Cour de cassation a réaffirmé que les demandes d'expertise judiciaire ne doivent pas être utilisées pour obtenir des informations sur des opérations de gestion courante. Pour ce type de demandes, les actionnaires doivent se référer à l'article L. 225-231 du Code de commerce. Cette décision clarifie les limites des mesures d'instruction et renforce la protection des sociétés contre les demandes exploratoires.
 
Source : Cass. com., 11 sept. 2024, n° 22-24.160, B+L